Pendant ce temps la planète, elle aussi, est entrain de brûler.

illustration : Silex

Ce lundi soir, nous avons tous partagé la même émotion. Une profonde tristesse face au symbole du patrimoine français sous les flammes. Il est indéniable que Notre Dame de Paris est une prouesse architecturale et représente un élément central de l'esprit de la ville de Paris. La nécessité de se rassembler pour reconstruire ce lieu est incontestable. Cependant, quelque chose me chiffonne, et je me dois de l'exprimer. A chaque catastrophe que notre société vit, que ce soit un attentat ou bien un incendie ravageur, nous avons la capacité de nous rassembler et d'agir rapidement. C'est une grande force qui nous anime. Ce qui pose problème, c'est que si nous réagissons très vite pour les incidents qui nous émeuvent, nous avons beaucoup de mal à réagir face à des situations plus complexes mais toutes aussi graves, si ce n'est plus, sur le long terme. 
 
Je parle bien évidement de l'enjeu du réchauffement climatique et de la destruction de la biodiversité. Mais cela peut également s'appliquer à toutes les crises que vivent les différentes populations à travers le monde. 
 
Ce mardi matin, les premiers titres de la presse dénombraient les nombreux généreux donateurs ayant débloqué des centaines de millions d'euros pour reconstruire la Cathédrale de Paris. Parmi ceux-ci, nous retrouvons le PDG de Total ayant annoncé un don de 100 millions d'euros, tout comme le groupe l'Oréal, La fondation Bettencourt, la Famille Pinault, le groupe LVMH, Bouygues Telecom, le Crédit Agricole ou encore le groupe Kering. Au total, ce sont plus de 700 millions d'euros débloqués dans les premières heures, seulement par les plus grands groupes. 
 
Ce chiffre est mirobolant, et bien qu'il soit très honorable qu'autant de fonds soient débloqués pour la reconstruction de Notre-Dame, une question se pose. Où sont ces entreprises quand il s'agit de financement de la transition écologique ou de la sauvegarde de notre biodiversité ? Il est difficile de comprendre la logique de tel acte. Notre-Dame de Paris résistera-t-elle à des changements climatiques violents, à l'épuisement de ressources ou bien l'élévation du niveau des mers ? Probablement que oui, mais qui ira la visiter? . Vous l’aurez compris, cette prise de position me dérange. 
 
Comment le PDG de Total peut-il dormir sur ces deux oreilles en affirmant donner généreusement pour un monument, tout en extrayant autant d'énergies fossiles ?  Comment l'Oréal peut gentiment offrir 200 millions d'euros, et continuer à participer à la déforestation par l'huile de palme, à utiliser des produits nocifs et à continuer les expériences sur les animaux ? Comment le Crédit Agricole peut-il offrir sa contribution tout en finançant plus que jamais (depuis la COP21) les énergies fossiles. 

Il convient de noter que les sujets de l’huile de palme et de Notre-Dame sont aux antipodes en tant que tels, mais c’est bien ici la facilité avec laquelle de telles sommes d’argent ont été débloquées qui pose question. L’éthique et le sens moral de tels actes peuvent être remis en question. Ne vous méprenez pas, il n’est pas question ici de dire que les fonds qui serviront à la reconstruction de Notre-Dame auraient été plus utiles pour servir une autre cause, mais simplement de faire le constat alarmant que, quelque part, d’autres sommes astronomiques sont aujourd’hui gagnées aux dépens de notre planète.
 
Il s'agit donc bel et bien d'un cri de désespoir face à l'inaction des entreprises, comme des gouvernements, face à l'urgence climatique.
Il est enfin possible de deviner les raisons qui se cachent derrière ces financements. Une forte médiatisation de ces entreprises ne peut qu’aider à redorer certaines multinationales en perte de vitesse d'opinion public. Il faut dès lors se demander si nous autorisons ce coup de communication, car il s'agit d'une noble cause, ou bien si nous réagissons une fois pour toute face à l'inaction climatique.
 
Le devoir de chacun, en tant que citoyen, est de se souvenir de l’Histoire, et, pour cela, de mettre tout en œuvre pour pouvoir la raconter à ceux qui nous précèderons. Mais il est un devoir citoyen, tout aussi noble et important que la reconstruction de ce monument : celui de tout mettre en œuvre pour que, plus tard, nos enfants et petits-enfants, soient en mesure de visiter Notre-Dame, plutôt que de se battre, à notre place, pour conserver ce qu’il reste des ruines de notre Terre.